LE TEMPS DE LA NOSTALGIE, par Aurélie Galibert
Piste d'écriture: jouer avec des titres. Phrases choisies : « Sous un ciel sans rêves », « Le passé sent le vieux papier », « L’éternelle recherche de la perfection »
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Le temps n’a pas de matérialité. Il n’a ni son, ni couleur, ni odeur. D’aucuns disent même qu’il n’a pas d’existence réelle —la Science fait mentir la perception humaine et ébranle ses convictions fragiles. Pourtant, Timéo ne dispose que de son propre prisme et réécrit la réalité à sa façon. Son monde est aussi coloré que sa personnalité ; sa vision du temps émaillée de ses défauts. Il n’est d’ailleurs jamais à l’heure. Pourquoi se montrer ponctuel, après tout ? Au regard de sa propre horloge interne, il se trouve où il doit être, au moment où il doit l’être.
Sous un ciel sans rêves, obscurci par des nuages chargés de colère, il parcourt les rues de la capitale française. Ses pas le mènent dans des recoins tranquilles de la Cité, que les touristes ne connaissent guère, et il se remémore son enfance dans le vieux Paris. Se baladant au hasard de ses souvenirs, il laisse les affres de la nostalgie le transporter à une autre époque, assombrir son présent d’un sentiment de perte —la perte de ce qui était son idéal de bonheur. Embourbé dans ses faux problèmes, il avait ignoré, à l’époque, qu’il vivait ses plus belles années, et que ces instants disparus engendreraient chez lui, un jour, le sentiment de regret.
L’éloignement des années avait donné à son passé toute sa poésie. Aucun idéal n’est le contemporain de celui qui le dessine.
À ses yeux (les seuls témoins de sa vérité), il était faux de dire que le temps est intangible. Tout son corps vibrait à l’évocation de ses souvenirs. Pour lui, le passé sentait le vieux papier —celui des livres qu’il se plaisait à parcourir dans la bibliothèque poussiéreuse de sa grand-mère. Il se parait aussi de couleurs —celles du bois et des nuages de poussière qui dansaient derrière les carioles. Il entendait enfin la compagnie (presque) silencieuse de la Nature. La sérénité de ces instants, où le piaillement des oiseaux et le léger bruissement de l’eau qui s’écoule dans la Seine n’étaient pas surplombés par le bruit des moteurs et des pelleteuses qui engageaient les travaux du nouveau Paris.
Ses sens furent submergés par la réminiscence de ce qu’il avait connu.
Dans son éternelle recherche du parfait, Timéo se rendit compte que celui-ci appartenait à un temps révolu —et que cette quête demeurerait vaine. La sagesse lui permit de réaliser que seuls les idéaux de l’âme peuvent être perçus comme une authentique perfection.
(Aurélie GALIBERT - 19 juin 2025)
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