Finissons-en avec... par Catherine Corbeau

Piste d'écriture: D'un dialogue récurrent à une remarque inédite (Toutes les vies de Théo)

Sophie aimait lancer des jugements arrêtés pour faire démarrer les débats dans le cadre de son « Cercle des philosophes apparus ».

« Finissons-en avec le démocratie » était une de ses trouvailles ironiques préférées.

Elle jouissait de voir tous les apprentis philosophes zélés s’escrimer à la contredire.

Ses amis, même s'ils la connaissaient bien, mordaient encore à l'hameçon et élaboraient avec fougue des argumentaires, citant Aristote, Rousseau et Tocqueville, ou Lincoln et Trump, pour qu'une telle proposition ne puisse être légitimée.

Ils proclamaient avec fougue l'interdiction absolue de considérer une telle aberration au pays des Droits de l'homme.

De petits dictateurs bienpensants s'écoutaient ainsi parler et aiguiser leur intolérance.

Sophie souriait…

 

Si le débat se tarissait devant l'unanimité des vaillants démocrates, elle pouvait relancer avec un « Finissons en vraiment » qui ne manquait pas de faire dégoupiller de nouveaux propos radicaux. 

Le choix de Sophie avait parfois des variantes comme « Finissons-en avec la liberté d'expression des idées déjà rabattues ». 

Les réactions fusaient, et Sophie souriait...

Jusqu'à cette soirée d'automne pluvieux. Léo, un jeune idéaliste qui avait affirmé pouvoir donner sa vie pour la liberté de penser, ne donnait plus signe de vie.

 

On apprit qu'il s'était suicidé 

Sophie était sidérée par le jeu qu'elle avait provoqué. 

Son plaisir d'assister au débat, en fournissant les armes, valait-il le spectacle de ces duels, s’ils devenaient contemporains de cette fin funeste ?

 

Les discours prononcés lors des funérailles de Léo exaltaient sa grandeur d'âme 

Préférer mourir que vivre dans un pays totalitaire, même imaginaire, quel héroïsme ! 

 

C'est internet le coupable, non c'est tik tok, non c'est Trump ! 

C'est peut-être son traitement psychiatrique

Ou les complotistes ?

On trouva vite des responsables 

Sophie ne souriait plus.

Elle avait lu un SMS de Léo : « Je t'aimais. »

 

Avait-il cru aux propos de Sophie ? 

Avait-il cru n’être pas entendu ?

Qu'est-ce qui avait été le plus violent ? Le silence de Sophie, ou ses mots déroutants ?

La fin justifiait-elle les moyens ?

Ironie, remise en question joueuse, réflexion, sourire silencieux seraient-ils donc si dangereux ? 

 

Copyright: Catherine Corbeau, Photo de Melody Zimmerman sur Unsplash

 

 

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