Sur des haïkus d'été, par Nyckie Alause

Piste d'écriture: s'inspirer de haïkus de saison pour leur répondre, en poésie ou en prose. Nyckie a choisi la prose. Les haïkus auxquels elle fait écho ont été publiés sur le site https://www.association-francophone-de-haiku.com  Après le printemps, vient l'été.

———————  L’ÉTÉ  ——

 

au vent de la mer

ondulation des épis

en vagues vertes                                       (Alain Legoin)

 

Mais Alain, ne sens-tu pas le sel ?

D’un coup de langue sur mes lèvres ne perçois-tu pas le goût de la mer ? Nul besoin de sel pour ce pain, une légère brillance beurrée calmera ton désir.

 

Les vagues vertes déjà écument.

Le doré apparu signe la venue des faucheurs.

Avec la poussière qui fait tousser.

Avec la sueur qui dégouline.

Et les phares des tracteurs qui traversent la nuit comme des fantômes.

 

migration d’été

l’escargot part en vacances

chez un cousin                                          (Anne Brousmiche)

 

Anne ma chère Anne, ne vois-tu pas la route qui poudroie ?

 

L’averse sur la terre sèche s’est dispersée en vapeur trouble.

Son opercule n’a pas eu le temps d’en jouir.

Comme un caillou l’escargot reste de marbre collé sur le nord d’un granit.

L’été mes rideaux restent clos.

Dans la théière des glaçons.

En attendant les premières pommes.

 

Jour de canicule

une mouche espiègle joue

des mâchoires du chien                             (Bruno Hulin)

 

En balles rondes, la paille dans des champs de poussière.

La route molle, du velours chaud au soleil.

Le chien du voisin, dans un creux sous le platane espère quelque chose, mais quoi.

Une mouche tourne autour de ma tête.

Une, échappée aux claquements agacés des dents jaunies du chien.

De lui à moi, nous menons un même combat contre l’ennui.

La nuit sera aussi chaude que le jour, le jour suivant.

 Le jour d’après peut-être, enfin, le vent se lèvera. Peut-être…

 

dans mon jardin

la plante d’une amie chère

qui s’accroche à la vie                              (Céline Landry)

 

Mais pourquoi ces pétunias ?

 

Quelle idée vraiment, des fleurs molles, un rouge carmin qui s’essaie à la gaité c’est moche, c’est idiot.

Imagine l’énergie déployée pour hybrider, croiser, sélectionner cette plante vaine.

Encore quelques jours de cette chaleur, même si elle s’accroche, l’été aura raison d’elle.

Quand tu viendras je te dirai « je suis désolée, comprends-moi, avec cette canicule je n’ai rien pu faire ».

Secrètement j’espère que ce n’est pas l’illustration de mon amie qui s’accroche à la vie.

Toute la fraîcheur du monde…

 

plus forte

l’odeur de la rivière

avant la pluie                                           ( Françoise Lonquety)

 

Au treizième matin, le vent a tourné.

 

Il a soufflé de l’est.

Loin du fleuve pourtant j’ai perçu son odeur, mêlé de terre et de végétation pourrissante, tel un augure.

Il y eut comme un silence profond sur la route, aucune vie.

Une attente.

 

J’ai relu les deux pages que je venais de lire et j’ai été tentée de reprendre au début du chapitre.

Et puis.

Et puis j’ai cueilli un brin d’herbe jaunie qui a servi de marque-page.

J’ai refermé le livre. Je l’ai déposé sur la table du jardin.

 

Je me lève et ramasse les objets oubliés.

Les uns après les autres, il y en a beaucoup, je les déplace, les rapatrie dans la cuisine.

Les dépose sur la table qui s’encombre d’une histoire illustrée de la saison qui se termine.

Les nuages ne sont pas encore là que déjà les premières gouttes m’atteignent.

Vite le livre, d’un coup de torchon, j’essuie sa couverture tiède.

Je serre le coussin contre mon corps telle une chose palpitante et rentre à l’abri.

 

 

porte ouverte

l’odeur de la rivière

pluie de fin d’été                                       (Nyckie Alause)

 

Copyright: Nyckie Alause. Haïkus: https://www.association-francophone-de-haiku.com. Photo de Shyam sur Unsplash

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