Sur des haïkus de printemps, par Nyckie Alause

Piste d'écriture: s'inspirer de haïkus de saison pour leur répondre, en poésie ou en prose. Nyckie a choisi la prose. Les haïkus auxquels elle fait écho ont été publiés sur le site https://www.association-francophone-de-haiku.com

—————    LE PRINTEMPS   ——

 

Mai, le premier éveillé, le premier levé, le premier debout…

Il ouvrirait bien les rideaux s’il n’avait la crainte de me réveiller.

Au clocher, le dernier coup, le huitième.

Ce son de cloche vibre longtemps dans l’air humide clair et frais.

Longtemps, tant que les oiseaux revenus se taisent.

Halo autour des arbres, ondes d’une feuille arrachée sur l’eau de la fontaine.

 

premier son de cloche

dans le boisé de la cour

deux brins de muguet                            (Céline Lajoie)

 

Le nom de celle-ci, poétique comme un chant d’oiseau, ses mots en miroir de mes sens.

 

Les rideaux s’entre-baillent naturellement.

D’ailleurs, j’entends derrière mes paupières ses pas qui s’impatientent.

Le grincement des vieilles pentures et leur odeur rouillée.

L’eau coule sur les feuilles odorantes qui se déploient, la vapeur s’immisce. Le premier éveillé entrechoque les tasses.

 

matin calme

une tombe parsemée

de fraises                                                   (Christian Pawulack)

 

Pawulack, quel drôle de nom ! Un mot qui rend les fraises acides.

 

Je voudrais du sucre sur mes fraises, avec un soupçon de vanille.

Du sucre comme de petites pierres transparentes qui résistent et puis cèdent. L’éveillé d’une épaule pousse le battant qui couine comme un animal bousculé.

Une épaule solide et chaude.

L’odeur du thé fumant se mêle à celle des fraises.

Le sucre à côté.

 

matin de printemps

mon ombre aussi

déborde de vie                                           (Kobayashi Issa)

 

La lumière de ce tableau ! Merci aussi, Kobayashi.

Claire, fraîche, douce, ondulante au gré des nuages, qui passent.

 

La table de nuit ne doit-elle ne servir que la nuit ?

Le point du jour n’est-il qu’un instant ?

Cet oreiller pour le sommeil, comme dossier de mon plaisir.

Le sucre versé sur le relevé de la coupe, s’incruste — quel art ! — dans le pointu du fruit.

Jubilation de la morsure, éblouissement, salivation telle un salut, une délivrance.

 

pluie printanière

son parapluie à mon bras

pleurs silencieux                                   (Christiane Ourliac)

 

Encore cette porte qui claque et ces nuages ourlés d’or amoncelés.

Le temps qui passe. Hirondelle en plané qui rase l’onde.

Le vent agite, fugace, les feuilles encore fragiles.

Certaines céderont à l’agression.

 

J’ai résisté.

J’ai attendu que la tasse de thé soit aussi froide que vide.

Une simple auréole, souvenir sur la serviette brodée.

Grains jaunes, mimosas et poussières.

Le vent a précédé à l’averse et la pluie a précédé aux conversations des passants qui marchent sur le trottoir, au soleil revenu.

Pleurs séchés, larmes et morve ravalées, rideaux tirés.

Copyright: Nyckie Alause. Haïkus: https://www.association-francophone-de-haiku.comPhoto de Vitolda Klein sur Unsplash

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