Anna, de la cité des nuages et des oiseaux, par Catherine Corbeau

Piste d'écriture: La cité des nuages et des oiseaux

Anna ne peut pas être atteinte
ni par les enfants qu'elle importune
ni par les religieuses qui la font travailler 
ni par sa sœur qui contrôle son ouvrage.

Un oiseau apparaît, elle devient oiseau,
une cloche sonne, elle devient son,
une branche la frôle, elle devient arôme.
Un paillasse en crin lui sert de lit ? elle rêve de voyage sur un cheval ailé…

Des soldats armés envahissent sa ville, elle les hypnotise,
         comme un serpent à sonnette
                              qui semble se dresser au-dessus de leurs têtes. 

Un gros soldat veut l'attraper ? Elle grimpe sur ses épaules pour lui cacher les yeux.
Elle lui chatouille les oreilles et lui promet un secret merveilleux, s'il veut bien lui donner une orange.

Elle se fait passer pour un ange de la cité des nuages et des oiseaux,
où elle propose même de l'emmener s'il répond à ses questions.

Il a probablement bien trop peur de cet ange démoniaque pour oser poursuivre la conversation.

Anna ne connait pas la peur et cela la rend invincible. 
Anna n'attend rien de des proches qui ont renoncé à attendre d'elle. 
Elle ne sera pas brodeuse, ni raccommodeuse.
Elle ne sera pas heureuse, peut être restera-t-elle joyeuse.
Elle ne sera pas malheureuse.

Pour elle, chaque heure est une gourmandise qu'elle veut vivre à sa guise,
                                                                        qu'elle soit bonne heure ou mauvaise heure !

Anna est libre, elle ne croit pas que quiconque puisse l'enfermer, l'entraver, la contraindre,
                                                                                                  faire obstacle à son bonheur.

Anna aime les questions,
même si personne ne lui répond.
Avec ses questions elle désarçonne,
elle intrigue, elle fait tourner la tête aux empereurs comme à ses compagnes de misère. 

« Pourquoi tu es toi ? Et pourquoi je suis moi ?
Est-ce que tu vois ce qui est en moi ? »

Anna écoute, elle entend ce que les gens ne disent pas. 
Anna regarde, elle voit l'invisible. 

On a toutes une petite Anna en soi.
La petite Anna est immortelle, elle passe de génération en génération,
du couvent sainte-Theophalia à l'école de la République,
et elle ira surement se promener dans un vaisseau spatial.

Et partout elle posera ses questions, partout elle ouvrira des cages,
partout elle refusera les cases préparées par des adultes prétendument sages…

J'ai croisé la petite Anna ce matin à la boulangerie.
Elle disait non non non à sa maman qui aurait bien voulu qu'elle dise oui, 
mais qui ne lui a jamais appris
à écouter les oiseaux, perruches ou pies,
ni même à connaître leurs noms.

Alors elle dit toujours non, même quand elle voudrait dire oui,
car elle aime la vie malgré tous ses ennuis, 
la petite Anna qui traverse les générations.
mais dont les parents disent toujours non non non, et se lassent vite des questions. 

J'ai proposé à la petite Anna de venir s'installer chez moi, mais elle m'a répondu que c'était trop petit. 
Il fallait d'abord que j'agrandisse ma cité des nuages, pour qu'elle puisse y faire son nid.

Elle y déposera peut-être ses écrits,
     et qui sait tout un manuscrit     
            qui sera transmis de nuage en nuage,
                    et se transformera indéfiniment,
                          chaque question
               se divisant en plusieurs autres
        jusqu'à totale dissolution.

 Mais attention, si toutes les questions se rencontrent, 
ça fera une cité toute grise qui nous donnera bien du mouron,

jusqu'à ce qu'un bon courant d'air remette tout à l'envers!

Ou jusqu’à ce que la petite Anna, jouant à saute-mouton,
chasse le marron en éclatant de rire.

Car la littérature pourrait bien nous sauver,
si on la laissait danser sans lui couper les ailes,
dans la cité des nuages et des oiseaux.

Copyright: texte de Catherine Corbeau 
Photo de Paige Cody sur Unsplash

 

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