A 13 ans, je ne connaissais plus mon autre mère... Piste d'écriture, avec Celle qui est revenue, de Donattella di Pietrantonio

Un personnage en perte soudaine de repères, qui se confronte à son nouvel univers tissé de secrets – mais des allusions au futur

À treize ans, je ne connaissais plus mon autre mère.
Je grimpais non sans mal l’escalier de chez elle avec une valise encombrante et un sac bourré de chaussures en vrac. Sur le palier m’ont accueillie une odeur de friture récente et une attente. La porte refusait de s’ouvrir. À l’intérieur, quelqu’un la secouait sans rien dire et s’affairait autour de la serrure. J’ai regardé une araignée se démener dans le vide, pendue à l’extrémité de son fil.
Après le déclic métallique, une gamine dont les nattes lâches dataient de plusieurs jours est apparue. C’était ma sœur, je ne l’avais jamais vue. Elle a écarté le battant pour me permettre d’entrer, ses yeux perçants pointés sur moi. Nous nous ressemblions à l’époque, plus qu’à l’âge adulte.


Ces lignes sont tirées de la première page  de Celle qui est revenue, de Donattella di Pietrantonio, roman traduit de l’italien par Nathalie Bauer, publié aux éditions du Seuil en 2017, sous le titre La Revenue, puis au Livre de Poche en 2022 sous son titre actuel, n° 36408.

Ce début, qui forme à lui seul le chapitre 1, m’a saisie lorsque je l’ai découvert. D’abord, par cette énigme : À treize ans, je ne connaissais plus mon autre mère. Pourquoi, autre ? autre mère ? qu’était-il arrivé à cette adolescente pour se retrouver dans cette ignorance ?
Puis, par la science de l’écriture. Dans cet espace où elle ne reconnait rien, la narratrice accueille chaque élément comme également significatif. Tout est sujet, tout se vaut, et surtout pour lui compliquer la vie. La valise encombrante, le sac de chaussures en vrac, l’odeur de friture récente (donc prégnante, pesante), sur le même plan que « une attente », l’araignée qui elle aussi se démène pour subsister. La porte refuse de s’ouvrir et « quelqu’un » doit la secouer. Aucune hiérarchie, jusqu’à l’apparition de la petite sœur – et encore, celle-ci est aussi définie par ses nattes lâches que son regard perçant. 
Souvent, quand on se trouve dans une situation de stress, ou inhabituelle, la vision de l’enfance, animiste et physique, revient, les dimensions changent, on ne connait pas les règles, il faut affronter les obstacles un par un, ou accueillir les potentiels alliés avec un esprit ouvert qui évite de juger immédiatement. 
De toute façon, la narratrice est dans une telle situation que les repères habituels ne sont plus valides. Seul élément d’humanité, Adriana, la petite sœur, celle qui a été assez curieuse pour se battre contre la porte récalcitrante et accueillir la nouvelle venue. Alors que la narratrice reste « la revenue », nous apprenons très vite le prénom de la sœur. Elle va jouer un rôle important.
La dernière phrase aussi constitue un élément d’ouverture. Elle laisse entrevoir un futur : Nous nous ressemblions à l’époque, plus qu’à l’âge adulte. 
Dans les récits très fermés, où notre regard est borné par la connaissance étroite que possède le narrateur de son univers, faire allusion à une autre époque crée une respiration. 
 

Pistes d’écriture


-    Imaginez la suite.
-    Inspirez-vous de ces lignes pour décrire une expérience de perte de repères, et la manière dont cela influe sur les perceptions et les actions.
 

Pistes d'écriture et textes
Retour