Chroniques du soir, par Roselyne Crohin
Piste d'écriture : Dans l'esprit du concours Kobo, écrire chaque jour un texte court (entre 250 et 750 signes) contenant un mot imposé.
1er jour – Cavalcade
31 octobre 2024. Voilà déjà quinze jours que tu es installée dans ton nouveau pays. On a bien reçu ton long mail avec tous ses détails très intéressants. Ici, c'était la rentrée aujourd'hui. Ça se voyait rien qu'aux bouchons sur la route, si jamais on avait loupé les journaux télé ou radio qui nous le serinaient à longueur de journée. Pour moi, ça s'est traduit par une cavalcade du matin au soir pour rattraper le temps perdu dans les embouteillages. Mais, à l'arrêt, au volant, j'ai eu tout le temps de repenser avec nostalgie à vos premiers jours d'école.
2ème jour – Emberlificoter
1er novembre. Toujours les mêmes infos déprimantes : la guerre, les bombes, les catastrophes naturelles... mais parmi toutes ces mauvaises nouvelles, j'en ai entendu une réconfortante. Dans le concert de voix anti-immigration, il y en a une qui se distingue, c'est celle de Pedro Sanchez, ton premier ministre d'adoption. Il a dit que l'immigration était une chance pour l'Espagne, car à tous les âges de la vie, du premier jour jusqu'à la vieillesse, les Espagnols ont la chance d'avoir des immigrés pour prendre soin d'eux. Et il a ajouté que l'Espagne, autrefois pays d'immigration, ne peut pas rejeter ceux qui viennent aujourd'hui chercher refuge chez elle et y travailler. Au moins, c'est un discours clair et pas emberlificoté comme ceux de nos hommes politiques français de tous bords.
3ème jour – Rouille
2 novembre. Aujourd'hui, j'ai acheté de nouveaux rideaux pour le salon. Avec le tapis marocain, à dominante rouge, les meubles en bois clair et le piano noir, j'ai finalement choisi un imprimé sur fond rouille. Ça rend bien ! Encore mieux que je ne pensais.
On revient du cinéma. On a vu un film indien (d'Inde). C'est le portrait de trois femmes (20 ans, 40 ans et 60 ans) qui vivent dans la mégapole de Mumbai. C'est un film intimiste qui montre bien les relations de ces trois femmes entre elles ainsi que tous les problèmes auxquels elles doivent faire face et ils sont nombreux (l'expulsion de la plus vieille de son appartement, les amours impossibles de la plus jeune avec un garçon musulman et la troisième, guère mieux lotie, car son mari vit en Allemagne depuis cinq ans et semble l'avoir oubliée...). La réalisatrice, très proche de ses trois actrices, toutes distinguées au dernier festival de Cannes, nous entraîne dans un univers bien éloigné de Bollywood. Si jamais le film sort en Espagne, va le voir. Pour la sortie en France, on a gardé le titre anglais : « All we imagine as light ». En Espagne, ce ne sera peut-être pas le même titre.
4ème jour – Chaudron
3 novembre. Ce dimanche, on a fait une petite rando avec Valérie et Sonia. On est allé à Lauret et on est tombé par hasard sur une fête, sur la place du village. C'était la fête de la soupe. Dans plusieurs chaudrons, sur des braseros, on faisait cuire toutes sortes de soupe : à l'oignon, au potimarron, aux châtaignes. On est arrivé vers 11h. C'était trop tôt pour manger, mais on a raccourci la balade car on ne voulait pas manquer cette occasion. On a bien fait car elles étaient délicieuses. En plus, il y avait une petite fanfare qui mettait de l'ambiance : c'était très festif. On est rentré tôt à la maison et on a fini la journée autour d'une partie de Dixit. Valérie était à fond dans le jeu. On a bien ri et ça fait du bien !
5ème jour – Indulgent
4 novembre. Lundi, ça va comme un lundi. Alors sois indulgente si je n'ai pas grand-chose à écrire aujourd'hui. Je me suis imposé entre 250 et 750 signes par jour. C'est un concours de nouvelles trouvé sur internet qui m'a donné cette idée. D'ailleurs, je vais peut-être le faire, ce concours. Je ne suis pas encore complètement décidée. On verra. Je te tiendrai au courant.
6ème jour – Épiphanie
5 novembre. Une fois de plus à la radio, dans une interview, j'ai entendu l'expression « C’était une épiphanie ». Avant l’épiphanie, c'était seulement la fête des rois mages, le 6 janvier. D'ailleurs tu verras que c'est beaucoup plus fêté en Espagne que chez nous. Ce jour-là, il y a des défilés dans les rues avec les trois rois mages et ce sont eux qui apportent les jouets aux enfants. Il paraît qu'on ne parle même pas du Père Noël là-bas.
Mais je reviens à une épiphanie, sans majuscule. Je comprends que c'est comme une révélation, mais je n'en suis pas très sûre et curieusement, je ne vois pas de définition très claire sur internet. Est-ce qu'on dit ça aussi en espagnol ?
Sinon, si mes bavardages te semblent trop longs, tu n'es pas obligée de tout lire. J'ai d'abord eu cette idée d'écrire un peu tous les jours, comme un journal qui resterait, comme une trace au jour le jour. Mais bien sûr, pour les nouvelles plus importantes ou plus urgentes, on s'envoie des mails ou on se téléphone.
7ème jour – Sanglot
6 novembre. Ce mercredi, premier conseil des ministres avec le nouveau gouvernement. Je ne sais pas si tu as suivi toutes les péripéties depuis que tu es partie, mais c'est vraiment déplorable d'en arriver là au bout de deux mois et demi. On n’a jamais eu de gouvernement aussi à droite alors que c'est la gauche qui a remporté les élections. Je suis sûre qu'en sciences politiques vous devez commenter tout cela. Ça m'intéresse de savoir ce qu'on en dit dans les universités espagnoles. Ils ont la chance d'avoir Sanchez. Sauf que l'extrême droite, avec Vox, gagne aussi sans arrêt du terrain.
Pour ne pas terminer cette chronique en sanglots, je vais ajouter qu'on a encore de très belles journées, ces derniers temps !
Photo de Christin Hume sur Unsplash