Amalya et l'oubli, par Didier Chabbert

Ce texte fait suite au Garde-fou. Il a été inspiré par le début de "La femme révélée" de Gaëlle Nohant.

Amalya n’avait d’autre solution pour trouver le sommeil que d’avaler des somnifères. Ces petites pilules bleues restées dans sa poche lors du départ désespéré de son appartement vers le Golden Gate Bridge pour le saut définitif.

Trois nuits déjà à l’Hôtel des Oiseaux. Au matin, ce vide, cette amnésie qui lui faisait oublier l’enchaînement des évènements qui l’avaient conduite dans cet hôtel, et cet étrange sentiment de se réveiller ailleurs. Un ailleurs où rien n’est familier. Autour, tout lui semblait hostile : les bruits incongrus, cet affreux papier peint, le jour qui traversait les persiennes et ces odeurs inexplicables. La chambre sentait le biscuit sec, le papier jauni et la poussière.

Cette étrange amnésie angoissante était-elle le fruit de ce brusque changement dans sa vie, de ce drame qui avait frappé son mari Lenny et Arlo, l’enfant chéri ? Impossible pour Amalya de sortir de cette impasse. Alors qu’elle essayait de résister, de fuir ce tourment douloureux, elle retourna son sac dans l’espoir de trouver une dernière pilule bleue.

Parmi le contenu hétéroclite se trouvait une photo, mais pas de pilule bleue. Arlo devant, Lenny et Amalya se tenant par l’épaule dans un jardin. La photo respirait le bonheur, Arlo avait cinq ans, c’était l’année dernière.

Amalya eut le souffle coupé, elle sentait le sol se dérober sous ses pieds. Elle ouvrit la fenêtre pour respirer l’air frais. Elle se pencha et aussitôt sentit que ce vide immense l’aspirait à nouveau. Un vide vertigineux depuis le dixième étage, qui menaçait de l’engloutir en dépit du garde-corps. Cette horrible sensation la fit reculer, la gorge nouée, la sueur perlant sur son front. Amalya, en pleurs, partit s’allonger sur le lit pour tenter de se calmer.

 

La photo venait de réveiller sa mémoire. Dans ce moment de retour à la conscience, elle était en alerte. L’apaisement est impossible, la photo, le vide… Elle revit cette fuite, le pourquoi, le comment de ce drame ignoble qui cogne dans sa tête.

Amalya devrait quitter cette ville, fuir ce quotidien trop lourd, peut-être trouver refuge dans sa famille, chez ses parents ou chez sa sœur, et ainsi tenter de se soustraire au danger des idées suicidaires.

Impossible d’effacer le passé, mais vivre autrement, ne plus subir et peu à peu avancer, car le regard change, le temps s’étire, le cœur s’apaise et l’on n’est plus la même…

Oui, mais comment ? Elle se sent sans force.

Photo de Anshu A sur Unsplash

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