Peindre la porte ouverte (Gustave), par Didier Chabbert

Piste d'écriture: décrire un lieu à travers la relation qu'un personnage entretient avec lui.

Libre de toute contrainte, la porte ouverte, il est un peu anar. Gustave a une gueule, comme on dit. Sa barbe n’est pas taillée et ses sourcils trop fournis donnent une puissance à son regard et à ses yeux verts d’eau. De verres d’eau, il consomme peu, préférant un ballon de rouge, du Pic Saint-Loup ou de pas trop loin. Il est là depuis toujours, il est né là et entend bien finir ses jours peut-être pas au paradis, mais dans son paradis à lui.

Vous le trouverez dans son atelier qui n’est qu’un grand garage dont il laisse la porte toujours ouverte, pour les voisins, pour la lumière, pour l’ambiance, pour les senteurs marines, pour les passants. Il aime le rythme lent, le temps n’a pas de prise sur lui, il peint comme il veut, quand il veut.

Son inspiration c’est son quartier, un endroit typique, un morceau de ville où la modernité n’a pas accès. Telle une presqu’île, la Pointe Courte à Sète est un refuge, un abri. Comme Gustave, les habitants ne quitteront jamais ce petit morceau de terre qui s’avance dans l’eau. Résider là, c’est un destin, ça se transmet de père en fils, l’attachement est fort, on n’aime pas trop les touristes de passage.

Dans son coin, tout au bout de la Pointe Courte, Gustave peint. Des fois dans son atelier, des fois sur le trottoir ou au milieu de la rue, la chemise déboutonnée et les manches relevées. Tout ici mérite d’être saisi sur la toile. Les ruelles étroites, les maisons basses des pêcheurs badigeonnées aux couleurs du Sud, les plantes grasses aux rebords des fenêtres, le linge qui sèche, les chaises sur le trottoir, et les gens. Certains sont généreux, d’autres ont mauvaise réputation. Ils bavardent, ils se racontent des histoires. Autour il y a l’eau, le clapotis, les barques colorées qui ballottent doucement contre le quai, les filets des pêcheurs étendus et l’odeur du poisson.

Est-ce l’odeur du poisson ? A la Pointe Courte il y a des chats partout, près des filets, sur les rebords des fenêtres se chauffant au soleil, dans les ruelles, assis, couchés, des noirs, des bruns, tigrés, tachetés. Ils sont là, bienheureux de vivre dans un lieu si tranquille où aucune voiture ne pénètre.

Comme Gustave, ils n’attendent rien et vivent au jour le jour. Tout les sens en éveil, ils sont au paradis à la Pointe Courte.

Copyright texte: Didier Chabbert. Photo de Mike Petrucci sur Unsplash

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