Derrière le trou de la serrure, par Didier Chabbert

Il n’y a pas de sagesse pour le curieux ou la curieuse. L’envie est trop forte et anéantit tous les tabous.

La curiosité s’attache à l’enfance, elle va de pair avec l’infinité des questions que posent les enfants sur tous les sujets, sur tout ce qu’ils voient ou tout ce qu’ils entendent. Les parents sont parfois désarmés devant une demande qui les dépasse ou pour laquelle ils ne trouvent pas de réponse satisfaisante.

Qui n’a jamais regardé par le trou de la serrure? Impossible de résister à la tentation. Il y a tant de mystères de l’autre côté ; et puis même s’il n’y a rien à voir, l’expérience est grisante.

Première photo :

 

Une image contenant personne, habits, baiser, monochrome

Description générée automatiquementOn le voit, il y a de la complicité chez ces deux petites filles en pyjama. Il faut que l’une regarde et raconte à l’autre – celle qui est trop petite – alors même que l’idée venait de celle-ci. Elle trépigne et voudrait, à son tour, monter sur le tabouret pour être à la hauteur et voir, enfin voir. La grande ne semble pas prête à laisser la place, le plaisir est trop grand.

Alors, que voit-on de l’autre côté? Est-ce la chambre des parents? Est-ce que quelqu’un a sonné? On leur a interdit d’ouvrir, mais elles veulent savoir, elles ont peur.

Tout le mystère est là, celui qui observe la photo ne sait pas et ne saura jamais.

Deuxième photo :

Les deux garçons reviennent de l’école. Depuis le temps qu’ils espéraient, aujourd’hui la porte sombre est entrouverte. Cette fois encore, la curiosité se joue à deux, il faut un complice pour oser et dépasser la peur d’être pris en faute. Le plaisir semble grand et le poids du cartable ne compte plus. Enfin, ils peuvent voir ce qui se cache derrière cette porte. Ils aimeraient entrer pour examiner de plus près cet atelier, savoir ce que l’on fabrique ici. Mais, même dressés sur la pointe des pieds pour se grandir, il leur est impossible de distinguer jusqu’au fond de ce couloir.

Pour les deux situations, imaginons la suite :

Première photo :

Les parents des deux petites filles rentrent après une soirée au spectacle :

«Mais que faites-vous là, vous devriez être au lit depuis longtemps, et qu’est-ce que vous regardez par le trou de la serrure? En voilà bien une idée, et puis monter sur ce tabouret bancal au risque de tomber… pourtant c’est toi l’ainée et, à bientôt sept ans, tu as l’âge de raison. C’est toujours toi qui entraines ta petite sœur dans tes bêtises… »

C’est faux, nous le savons. Mais la grande ne pourra jamais dire que c’est sa petite sœur qui avait eu l’idée. Et déjà, les parents poursuivent :

« La prochaine fois, si nous avons à sortir, nous demanderons à Tatie Danièle de venir vous garder. Maintenant, filez au lit!»

Bien qu’un peu contrariées sur le moment, les deux sœurs garderont ce souvenir commun. Et ça les fera rire bien des fois; et alors les parents diront : «Mais pourquoi riez-vous comme ça, bêtement?»

 

Deuxième photo :

Voilà qu’un homme, en bleu de travail, vient vers les deux garçons. «Ah, ça vous intrigue, d’ailleurs, je ne sais pas pourquoi cette porte est ouverte…Eh bien, maintenant, entrez si vous voulez.»

Les enfants hésitent, ils ont peur de se faire gronder. «Entrez donc!»   

Ils obéissent. Quelle surprise pour eux d’explorer cet atelier de cordonnier : des semelles, des chaussures, des embauchoirs, des outils de toutes sortes, une machine avec une roue qui tourne, des brosses. Le cordonnier est assailli de questions. Il est heureux de décrire son métier à ces deux jeunes garçons.

Quant à eux, rentrés à la maison avec un peu de retard, ils ne pourront jamais justifier d’être entrés chez l’artisan, et ils diront qu’ils ont été retenus à l’école pour finir les devoirs.

C’est vrai, la curiosité offre souvent de jolis souvenirs…

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