Deux portraits en regard, par Bénédicte Langlois

piste d'écriture: 2 portraits en regard

 

 

Elle ferme sa porte
Il referme sa porte
Elle prend son chagrin
Il reprend son chagrin
Elle partage la photo en deux
Il partage la photo en deux
Elle garde l’image de lui
Il garde l’image d’elle
Pour elle, c’est une évidence
Pour lui, c’est une évidence
Elle n’a que faire de sa photo à elle
Il n’a que faire de son image à lui
Elle ne partage plus ses jours à lui
Il ne partage plus ses jours à elle
Elle gardera sa photo
Il gardera sa photo
Elle la glisse au fond d’un tiroir
Il la glisse au fond d’un tiroir
Et un après, parce que peut-être c’est leur anniversaire
Elle ouvre ce tiroir
Il ouvre ce tiroir
Elle retrouve son image à lui
Il retrouve son image à elle
Elle le regarde
Il la regarde
Elle se souvient de lui
Il se souvient d’elle
De ce jour où il  la prit en photographie
De ce jour où elle le prit en photographie
Elle passe ses doigts sur la photographie
Pour redessiner son visage
La photographie est lisse
La photographie est froide
Ses doigts réchauffent les souvenirs
Elle pense qu’il est à elle
Pour toujours, toujours
Où qu’il soit, où qu’il aille.
Il referme le tiroir
La photographie restera là
Il ne veut pas voir son visage
Pour ne pas sentir son parfum
Son sang se glace
Il pense qu’il l’a perdue à jamais, jamais.
Elle se console
Il la garde dans sa console
Ainsi
Ainsi
La photo est un souvenir vivant
La photo est un avenir absent
La photo prend peu de place
Son souvenir l’occupe encore tout entière
Son souvenir l’occupe encore tout entier
Elle la regarde
Lui la garde
Elle l’emporte dans ses jours
Il l’emporte dans ses nuits
Leur ennui d’eux
Les réunit.

Texte Bénédicte Langlois, Photo de Possessed Photography sur Unsplash

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