Titus n'aimait pas Bérénice, ou comment se remettre en mouvement, avec Nathalie Azoulay

On dit qu’il faut un an pour se remettre d’un chagrin d’amour. On dit aussi un tas d’autres choses dont la banalité finit par émousser la vérité.
C’est comme une maladie, c’est physiologique, il faut que l’organisme se reconstitue.
Un jour, tu ne te souviendras que des bons moments (la chose la plus absurde qu’elle ait entendue).
Tu en ressortiras plus forte.
Tu dis que tu n’aimeras plus jamais mais tu verras.
La vie reprend toujours ses droits.
Etc.

Ces phrases lui arrivent, la recouvrent, la bercent. Pour être tout à fait honnête, elle a besoin de ce babil de convalescence. Toutes ces langues qui font bruire autour d’elle l’empathie, l’universalisme et le pragmatisme lui sont un lit de feuilles où déposer son misérable corps. Et cependant, elle aspire parfois au silence complet, à un cercle de proches au centre duquel elle viendrait s’asseoir, pour qu’on la regarde et qu’on l’écoute sans un mot.

Et puis, un jour, au milieu d’une autre confession que la sienne ou en réponse à la sienne, elle entend...

Titus n’aimait pas Bérénice, Nathalie Azoulai, éd. P.O.L., 2015

Ces premières lignes du roman de Nathalie Azoulai disent combien certains événements assomment, ralentissent, voire tétanisent. Difficile de s’en détourner, de passer à autre chose, de laisser l’air circuler. Il n’y a plus de cohérence. Que faire ? - Entrer dans le déni ? - Se rouler en boule et attendre que quelque chose se reconstitue ? – Analyser, déconstruire ? - Se jeter dans l’excès, l’orgie, le danger ? Parier sur la vengeance ? - Convertir sa colère et son désarroi, se prouver qu’il reste quelqu’un ? - Se gorger de l’empathie des autres ?

Parfois les autres ne peuvent pas comprendre. Cet accroc au tissu vital leur parait minuscule, mais il vient toucher un tissu sensible, une fragilité, peut-être une blessure ou un traumatisme antérieur, qui s’en trouve réactivé. On a tous traversé des périodes de ce type, et on a appris à trouver des parades – qui fonctionnent plus ou moins.

 

Pistes d’écriture :

  1.  Vous approprier l’histoire : Comment évolue Bérénice ? Se pencher sur Racine l’aidera-t-elle vraiment ? D’autres éléments entreront-ils en compte ? Cherchera-t-elle à revoir Titus ? Et d’ailleurs, qu’est-ce qui les a séparés ? Comment vit Titus de son côté ?
  2. Racontez un chagrin qui porte atteinte à la vitalité. Vous pouvez vous inspirer de ce passage : Le soir où Titus la quitte, Bérénice ne peut plus se tenir debout. Sitôt rentrée, elle s’allonge. Mais même à l’horizontale, elle se sent encore très longue, très instable. Tout tourne autour d’elle…
  3. Créez votre propre situation et imaginez ce qui pourrait aider votre personnage à se remettre en mouvement s’il est arrêté, l’inciterait à se recentrer s’il bouillonne, le sortirait de son ressassement, lui offrirait d’autres perspectives.

Copyright: Piste d'écriture, Carole Menahem-Lilin. Extrait de Nathalie Azoulai. Illustration: Jean-Baptiste Massard, d'après Gioacchin Giuseppe Serangelli, gravure sur cuivre, in Œuvres de Racine, Paris, Didot l’aîné, 1801-1805. 

 

Artiste :

 

Serangeli, Gioacchin Giuseppe (1768-1852) 

Massard, Jean Baptiste Raphaël Urbain (1775-1843) 

Date :

 

Entre 1800 et 1801

Nature de l'image :

 

Gravure sur cuivre

 

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