Piste d’écriture : Romy, Balthazar et le zèbre, ou quand un élément inattendu propulse l'action
Cette séance s'est appuyée sur des passages du roman d'Anne-Gaëlle Huon, "Ce que les étoiles doivent à la nuit", éd. Albin Michel 2021, extraits des chap 2 et 4.
Années 1950. Sur la côte basque, les fêtes que donne la comtesse sont renommées, et Balthazar a juré d'en faire son premier reportage. Après s'être introduit dans la propriété incognito, sous l'orage et au péril de sa vie, le jeune homme tombe sur une fascinante inconnue. Celle-ci, abritée, elle, sous le kiosque, l'envoie à la poursuite d'un animal inattendu sous ces lattitudes : un zèbre.
– Il ne faut pas qu’il s’enfuie ! a-t-elle crié.
Ni une ni deux, je me suis lancé à sa poursuite. Moi, mon costume trempé et mes chaussures vernies sous la pluie torrentielle. Foutue bestiole !
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Balthazar a réussi sa mission, il a enfourché et ramené l'animal en s'aidant du ruban de satin qui lui servait de licol.
– Vous vous appelez comment ? j’ai osé.
Autour, la pluie s’est arrêtée.
– Romy. Et vous ?
Je me suis présenté en ôtant mon chapeau. Elle m’a scruté de la tête aux pieds. J’ai senti le vent tourner. Alors j’ai bluffé.
– Vous venez souvent ici ? j’ai demandé. Je ne vous ai jamais vue.
Dans ses yeux, une drôle de lueur.
– Non, c’est la première fois, elle a répondu.
J’ai acquiescé tout en me demandant si toutes les fêtes du grand monde impliquaient un zèbre et une déesse volcanique.
Et puis elle a ajouté en ramassant sa traîne :
– Vous me faites visiter ?
Commentaire : une rencontre de comédie, des personnages contrastés
La scène appuie sur le contraste de situation entre les deux jeunes gens, Romy dans son élément, extravagante comme une star des années 30 ; Balthazar, dans le personnage du saltimbanque qui ne craint rien, mais qui se fait gentiment manipuler. Le vocabulaire la concernant est celui de l’éblouissant, du « soleil dans la nuit », mais aussi du volcanique, avec ce que cela comporte de danger. Balthazar, lui, est un imposteur encore peu sûr de lui. Il est plus paysan que « reporter ». Il bredouille, il sursaute, « un gangster perdu dans la savane en pleine nuit ». Cependant, c’est aussi un redoutable joueur, qui sait bluffer. Il n’hésite pas à prendre des risques, à relever les défis – y compris celui du ridicule.
Ce qui donne tout son sel à la scène est la présence du zèbre, incongru dans cette propriété de la campagne basque, et autour duquel va concentrer l’action.
Cette action répond à la mécanique des renversements : comme dans les comédies, les situations se renversent et évoluent de manière inattendue.
C'est Balthazar raconte, des années plus tard. Il ne triche pas avec ce jeune aventurier qu’il a été, ne cherche pas à se grandir. Les dialogues sont rapides, naturels. Pas de passé simple (cela ne correspondrait pas à sa « voix »), de l’imparfait et du passé composé. Dans les verbes d’expression qui ponctuent les dialogues, il ne fait pas toujours l’inversion, « elle a lancé » « j’ai bredouillé » « j’ai osé », mais « a-t-elle crié », « a-t-elle lâché ». Cette « maladresse » ajoute au naturel. Il ne raconte pas au présent, mais presque.
Cependant, pour le plaisir du lecteur, le vocabulaire est varié, les phrases précises.
Quand vous écrivez, surtout à la première personne, cherchez, vous aussi, un équilibre entre ton familier, personnel, et souplesse de la narration.
Pistes d’écriture :
Appuyez-vous sur le texte
Ecrivez la suite. Vous pouvez enchainer sur la phrase « Vous me faites visiter ? »
Ecrivez l’avant : Qui sont ces personnages ? Comment sont-ils arrivés là, et pourquoi ? Quel est l’enjeu de la soirée pour eux ?
Partez d’une des phrases du texte, par exemple : Je me suis demandé « si toutes les fêtes du grand monde impliquaient un zèbre et une déesse volcanique. »
Imaginez ou racontez une situation rocambolesque :
L’élément perturbateur : où le ferez-vous surgir ? Un zèbre dans une fête du grand monde, un éléphant dans un magasin de porcelaine, une chèvre dans le métro, votre lapin nain dans une réunion de travail… Dans le texte, devoir courir après le zèbre précise le personnage de Balthazar. Lui n’a pas grand doute sur sa capacité à le rattraper, ce qui le met en difficulté est pourquoi il le fait. Peut-être que votre personnage, lui, va se révéler à lui-même (et aux autres) lors de cette confrontation avec l’élément perturbateur.