Piste d'écriture: "Tu, ne, penses quand même pas qu'on...", ou une relation toxique

Delphine de Vigan, Les enfants sont rois.

Ed. Gallimard, 2021, Folio 7111, p 21

Quand sa mère s’adressait à Mélanie, elle commençait généralement ses phrases par « tu », évitant ainsi d’exprimer de manière directe ses propres sentiments, aussitôt suivi d’une négation. Tu ne fais jamais rien, tu ne changeras pas, tu ne m’avais pas prévenue, tu n’as pas vidé le lave-vaisselle, tu ne vas quand même pas sortir comme ça. « Tu » et « ne » étaient indissociables. Lorsque Mélanie avait choisi de commencer une faculté d’anglais, après un bac obtenu sans mention mais du premier coup, sa mère lui avait dit : « Tu ne penses pas qu’on va payer dix ans d’études ! » Etudier, faire carrière, revenait aux garçons (madame Claux, à son grand regret, n’avait pas eu de fils), tandis que les filles devaient avant tout se préoccuper de trouver un bon mari. Elle-même s’était consacrée à l’éducation de ses enfants et n’avait jamais compris que Mélanie veuille quitter la région, percevant derrière ce choix une forme de snobisme. « Faudrait voir à pas péter plus haut que son cul », avait-elle ajouté, dérogeant exceptionnellement à la règle du « tu ». Malgré cette mise en garde, l’été de ses dix-huit ans, Mélanie avait rempli une valise et s’était installée à Paris...

Une relation toxique.

Mélanie n’aura bientôt plus qu’une idée en tête : devenir visible et même plus, célèbre. Elle va choisir le modèle de la téléréalité qui va d’abord la rejeter. Mais quelques années plus tard, mariée et mère de famille, elle décidera de mettre en scène le quotidien de ses enfants sur YouTube. Sa chaîne rencontrera le succès. Jusqu’au jour où…
L’auteure explore les failles de ce modèle, l’absence d’intimité familiale, le fait de devoir, pour les enfants, sans cesse mettre en scène leur quotidien, l’esclavage dans une cage dorée. Pour autant, on compatit avec Mélanie, on a juste envie de la secouer un peu, tant elle reste dans le déni. Remettre en question ce qu’elle a construit lui est impossible. Un peu comme si elle continuait à vivre sur un mode binaire. La négation, la nuance, sont à bannir. Elle sera la maman fée de ses enfants, un modèle aussi pour des milliers d’autres.
 

Pistes d’écriture : 


1.    Partez de la première phrase, en modifiant éventuellement certains éléments. Mettez en scène une relation toxique, ou qui tend à l’être. Parlez des préjugés et des manques sur lesquels elle s’appuie. Imaginez la suite.
3.    Comment les choses auraient-elles pu tourner autrement, pour Mélanie et sa mère ? Quels autres choix, quelles rencontres, quels éventuels mentors, quels modèles ? 

4.    Racontez une autre situation qui crée une frustration, un manque d’étayage, dans l’enfance ou plus tard, et explorez. 

5.    Vous pouvez aussi raconter un souvenir, si cet extrait fait écho.
 

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