Piste d'écriture: Un réalisme magique familier, avec Katharina Hagena

Le goût des pépins de pomme, de Katharina Hagena

trad. de l’allemand par Bernard Kreiss, éditions Anne Carrière 2010, Le livre de poche 32131

Cohérence symbolique et pensée magique

Elles innervent tout le roman. Voici comment il débute :

Grand-tante Anna est morte à seize ans d’une pneumonie qui n’a pas guéri parce que la malade avait le cœur brisé et qu’on ne connaissait pas encore la pénicilline. La mort survint un jour de juillet, en fin d’après-midi. Et l’instant d’après, quand Bertha, la sœur cadette d’Anna, se précipita en larmes dans le jardin, elle constata qu’avec le dernier souffle rauque d’Anna toutes les groseilles rouges étaient devenues blanches. C’était un grand jardin, les nombreux vieux groseilliers ployaient sous les lourdes grappes. Elles auraient dû être cueillies depuis longtemps mais lorsqu’Anna était tombée malade, personne n’avait plus songé aux baies. Ma grand-mère (Bertha) m’en a souvent parlé car c’est elle, à l’époque, qui a découvert les groseilles endeuillées.

Voyez comme on glisse du banal à l’extraordinaire (« On ne connaissait pas la pénicilline »… « Les groseilles rouges étaient devenues blanches). Dans l’extrait suivant, l’extraordinaire recrée du concret, du banal : les groseilles blanches ne salissent pas les tabliers.

Il n’y avait plus depuis lors que des groseilles noires et blanches dans le jardin, et toutes les tentatives ultérieures visant à y réintroduire des groseillers rouges se sont soldées par un échec, leurs branches ne portaient que des baies blanches. Mais cela ne dérangeait personne, les blanches étaient presque aussi savoureuses que les rouges, quand on les pressait pour en extraire le jus, le tablier n’en souffrait pas trop, et la pâle gelée que l’on obtenait luisait de reflets d’une mystérieuse transparence. Comme « des larmes en conserve » disait ma grand-mère.

Magie diffuse et légendes familiales

Dans un autre épisode, Tante Inga, née une nuit d’orage, est un bébé, puis une enfant, puis une femme, électrique, qui envoie à ceux qui la touchent de légères mais indéniables décharges, qui s’intensifient à mesure qu’elle grandit. Or, « elle a lu qu’elektron était le mot grec pour « ambre », un corps qui avait la propriété d’emmagasiner le courant électromagnétique ». Pour « raisons de santé », elle porte donc de longs colliers et des bracelets d’ambre. Dans l’imaginaire de ses nièces, cela l’apparente à « l’une de ces sorcières d’ambre qui vivent au fond de la mer et attirent les hommes dans les abysses ». Cette femme séduisante devient photographe, soit celle qui écrit avec la lumière, ou celle qui a piégé l’éclair…

Pistes d’écriture :

1- Racontez, ou inventez, de telles « légendes », liées à une famille, à un petit groupe, à un lieu.

2- Créez un lieu appliquant de tels principes (fidélité symbolique ou règles magiques)

 

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