Piste d'écriture: quand l'auteur joue avec le champ lexical

Cette proposition d'écriture a été donnée au printemps 2023.

Quand l'auteur joue avec le champ lexical

« Il faut imaginer un quinquagénaire déçu de l’être si tôt et si fort, domicilié à la lisière de Nagasaki dans son pavillon d’un faubourg aux rues en chute libre. Et voyez ces serpents d’asphalte mou qui rampent vers le haut des monts, jusqu’à ce que toute cette écume urbaine de tôle, toiles, tuiles et je ne sais quoi encore cesse au pied d’une muraille de bambous désordonnés, de guingois. C’est là que j’habite. Qui ? Sans vouloir exagérer, je ne suis pas grand-chose. Je cultive des habitudes de célibataire qui me servent de garde-fou et me permettent de me dire qu’au fond, je ne démérite pas trop. » 

Nagasaki – Éric Faye

Dès les premières phrases, l’écrivain choisit ses mots de telle sorte qu’il nous oriente dans une certaine direction. Dans l’exemple suivant, Éric Faye emploie le « je » pour nous entrainer à la suite de son personnage principal, et, d’emblée, c’est un être difficilement saisissable qui se dessine. 

En témoigne ce champ lexical des bordures et de l’indécision, avec des termes tels que « lisière », « chute libre », « serpents d’asphalte mou », « écume urbaine »« de guingois », « pas grand-chose », etc. 

Entrer dans ce roman à la fois court et fuyant, c’est plonger dans le quotidien d’un homme seul, aux habitudes ancrées, aux horaires fermes qui, un jour, découvre que de la nourriture disparait chez lui, que des objets se retrouvent à d’autres places. L’homme installe alors une webcam, et découvre l’impensable : une femme habite clandestinement chez lui, et ce depuis un an !

Ce sont deux solitudes qui se rencontrent et la rigidité de notre héros apparaît dès les premières lignes comme chancelante. L’écrivain réussit à nous montrer un homme qui se maintient vivant mais qui déjà, se sent éteint. Une description qui prépare le lecteur à la rencontre qui va suivre, et réveiller quelque peu le personnage.

Piste d’écriture empruntée à Assmaâ Rakho-Mom , Kobo writting. Elle est l’autrice de trois romans : Les cellules de la galère, Le fils de Zahwa et Un territoire.

 

Propositions d’écriture :

  • Ecrire la suite
  • Partir de ce rapport ambigu du personnage avec lui-même (il parle de lui-même à la 3e personne, il prend du recul avec ce qu’il est et ce qu’il ressent, il est « déçu »…). Ce peut être plus positif, le personnage imaginant ce qu’il voudrait être, ce qu’il s’apprête à devenir…
  • Raconter le rapport d’un personnage avec son environnement, avec un vocabulaire, des phrases qui lui correspondent.
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